Hunt Showdown Hunters
Hunt Showdown Hunters

Test Hunt: Showdown le multigenre de Crytek

Hunt: Showdown, entré en early access il y a 2 ans jusqu’à une sortie en août dernier sur PC puis en septembre sur XBox, est un survival d’horreur qui doit son succès à un concept fort, très bien pensé et solidement orchestré. Il prend la forme d’un FPS multijoueur où les participants sont en compétition pour achever un certain nombre d’objectifs sur les cartes du jeu. Sa sortie sur PS4, le 18 février, permet à de nouveaux joueurs de découvrir l’univers de western fantastique du jeu dans lequel une malédiction a transformé tous les habitants de la Louisianne des années 1890 en zombies, et où des créatures surnaturelles hantent les patelins locaux. Tout le sel de Hunt: Showdown réside dans sa formule qui mélange plusieurs genres en établissant des mécaniques subtiles pour équilibrer les enjeux du gameplay.

Jeu : Hunt: Showdown Genre : Survival d’horreur/ FPS Multijoueur / JcJ JcE Studio : CryTek Distributeur : Koch Media Date de sortie PS4 : 18 février 2020 Plateformes : Playstation 4, Xbox One, PC
Vous incarnez des chasseurs de prime dont le but sera de trouver ces créatures en examinant des séries de trois indices disséminés sur la carte.
Une fois localisés, ces monstres doivent être tués, puis les joueurs auront à tenir la garde près de leur dépouille le temps d’un rituel de bannissement. Une fois ce rituel de plusieurs minutes effectué, les chasseurs peuvent alors récupérer leur prime sur le cadavre du monstre et ont l’obligation, pour confirmer leur victoire, de s’extraire à l’un des points géographiques prévus à cet effet.

Les nombreux zombies présents sur le terrain, des plus anodins aux plus récalcitrants ne vont évidemment pas rendre les déplacements très faciles. Mais la vraie difficulté réside dans le fait que votre équipe ne sera pas seule sur la carte pour accomplir tranquillement cette série d’objectifs. D’autres « posses » de chasseurs arpentent le bayou et cherchent la même chose que vous, et si combattre un boss n’est déjà pas une mince affaire en soi, voir débarquer des joueurs hostiles pendant l’affrontement corsera les choses à un tout autre niveau.

Non seulement la menace liée au PVE est quasiment constante, bien que gérable au bout de quelques parties, mais la perfidie du PVP sera aussi omniprésente et mettra vos nerfs à rude épreuve. La perversion de certaines équipes se traduira régulièrement par des stratagèmes peu glorieux, comme laisser des concurrents abattre un boss pendant qu’ils encercleront le bâtiment en faisant le plein de munitions, avant de lancer l’assaut dans les dernières secondes du rituel pour éliminer les joueurs courageux qui se sont tapé tout le boulot et leur dérober leur prime sous leur nez.
D’autres vous attendront aux points d’extraction, d’autres encore vous traqueront sitôt qu’ils sentiront (ou plutôt entendront) votre présence.

L’une des mécaniques, appelée « vision occulte », vous permettra de vous orienter sur la carte, en faisant scintiller des zones lointaines, signifiant ainsi la présence d’indices. Cette vision donnera aussi la possibilité de visualiser la localisation approximative de joueurs portant des primes sur eux, et de repérer, cette fois très clairement où ont lieu des rituels. Pour contrebalancer cela, les joueurs porteurs de prime auront, eux, droit à quelques secondes d’une « super vision », qui fera apparaître très clairement les joueurs hostiles autour d’eux, ces quelques secondes disponibles doivent être dépensées avec parcimonie si l’on veut en tirer un maximum d’efficacité. Ce petit jeu du chat et de la souris ne vous laissera que peu de moments de répit…

Hunt: Showdown, Red Dead Decapitation

Hunt : Showdown se caractérise en grande partie par son ambiance sudiste poisseuse et apocalyptique. Le bayou, avec son atmosphère humide et suffocante, sa lumière chaude et subtile et ses marécages inquiétants, malgré des soucis graphiques que nous aborderons plus loin, laissent par moments le loisir au joueur de traverser des espaces à la beauté à la fois angoissante et saisissante.

Les lieux de vie répartis sur les deux cartes du jeu, Stillwater Bayou et Lawson Delta, ont tous une identité assez unique et un level design relativement inventif, qui alterne couloirs, petites fenêtres, portes verrouillées d’un côté, ascenseurs, échelles et portails coulissants nécessitant d’actionner des mécanismes pour les activer. Les chemins de la campagne environnante sont jonchés de carcasses pourrissantes se décomposant lentement au soleil, de chevaux à moitié morts, et bien évidemment d’une horde éparse de zombies errant au gré des effluves cadavériques.

Les intérieurs sont aussi remplis de dépouilles d’animaux, de blocs spongieux de mucus dégueulasse, et les effets sonores s’accordent très harmonieusement à la déliquescence environnante. En terme de présence ennemie, cela va du simple zombie désarmé à d’autres plus équipés, ainsi que toute la gamme habituelle : zombies en armure, colosses sur-résistants, en passant par les classiques chiens zombifiés, squelettes enflammés ou harpies vous entourant d’insectes qui vous empoisonneront lentement. On peut néanmoins donner un certain crédit aux développeurs pour avoir donné des caractéristiques suffisamment variées à ces ennemis de base.

Prenons juste un exemple : le « Sac à Viande« . Outre le fait que ce colosse peut vous dessouder en quelques secondes et qu’il vous coursera sans relâche s’il ne trouve pas d’obstacle sur sa route, il pousse également des râles qui alerteront à peu près tout ce qui traîne à proximité. Mais dès qu’on comprend qu’il est aveugle (le fait qu’il soit dépourvu de tête est un bon indice pour en arriver à cette conclusion) et que ce sont les sortes de sangsues venimeuses rampant à ses pieds qui lui permettent de s’orienter sur le terrain, il devient nettement plus facile à appréhender. Cela dit, il reste une menace à ne pas prendre à la légère, surtout quand on sait qu’il peut flairer les joueurs empoisonnés à grande distance.

Pris individuellement, donc, aucun de ces zombies, à l’exception du colosse, ne pose de problème particulier mais pour peu que vous entriez de façon un peu imprudente dans une zone où une concentration inattendue de nos amis zombies se trouve et on ne donnera pas cher de votre peau. Vous pourrez disposer de vos ennemis avec des armes de corps-à-corps ou des armes à feu, éventuellement équipées de silencieux, ou des engins furtifs par nature, comme l’arbalète. Mais vous apprendrez vite l’importance de la discrétion, tant le moindre bruit peut attirer plus de zombies, et plus grave, des joueurs hostiles dans votre direction.

Hunt Showdown Hunters zombies
Hunt Showdown Hunters zombies

Au niveau des créatures au centre de vos missions, on peut s’attrister de n’avoir droit qu’à trois boss différents. Chacun demande une approche distincte mais la variété n’est pas assez forte pour susciter un fort intérêt sur le long terme. Une araignée géante (immunisée contre les dégâts de poison), qui se déplacera au sol, aux murs et au plafond. Un spectre constitué de milliers de cafards, qui se matérialisera par surprise pour vous attaquer et créera des clones de lui-même pour vous duper. Et « Le Boucher », un artisan charcutier élu meilleur ouvrier de France en 2015, qui a depuis sombré dans l’alcool et la torture physique à base de lames rouillées (immunisé contre le feu), et qui promène sa lourde silhouette porcine enflammée dans des bâtiments généralement pas très bien aérés. Si vous sentez une odeur de bacon grillé au détour d’un chemin, c’est qu’il n’est pas loin.

Hunt: Showdown, Dark Zones

Mais ce ne sont pas tant les décors pestilentiels ou les créatures infernales qui donnent leur tension aux parties que le concept même des mécaniques de jeu, qui poussent sans arrêt à prendre des décisions lourdes de conséquences. Les enjeux placés dans la balance des prises de risques forcent à très régulièrement se demander s’il vaut mieux rester ou partir, attaquer ou patienter, s’extraire avec la moitié des gains ou tenter le diable et aller chercher la deuxième prime, quitte à tomber sur d’autres chasseurs en cours de route ou à tomber bêtement sous les coups du deuxième boss. Ce mélange PVP / PVE avec un zeste de battle royale rappelle fatalement The Division dont le fonctionnement des fameuses Dark Zones se rapproche sur beaucoup d’aspects de Hunt: Showdown.

Pour faire monter les nuances de pression, Hunt: Showdown propose une double progression, l’une est générale, liée à votre avancée globale dans le jeu, l’autre est relative à vos chasseurs. Les progrès effectués sur la première ligne de progression sont définitifs, ceux engrangés sur les chasseurs disparaitront à leur mort. Cependant, plusieurs règles adoucissent un peu ce système de mort permanente.

Hunt Showdown gameplay cabane brûle
Hunt Showdown gameplay cabane brûle

Déjà, les 10 premiers paliers de la progression générale rendent vos chasseurs immortels, ce qui permet de faire les erreurs typiques du débutant sans réelle conséquence et de pratiquer un peu les cartes et les ennemis « pour de faux » avant de commencer à voir ses troupes mourir subitement. Ensuite, un tutoriel « noob friendly » vous proposera de faire une mission complète en solo en vous guidant pas à pas dans les étapes à franchir sans la menace de joueurs extérieurs. Enfin, quand vous jouez en équipe, que ce soit à deux ou à trois, les actions effectuées par vos partenaires comptent dans vos statistiques de partie (en tout cas tout ce qui est fait avant que vous ne mouriez) et en cas de mort de votre chasseur, vous encaisserez tout de même la moitié de l’XP gagnée sur le terrain en fin de partie.

Ce système, savamment équilibré, donne suffisamment de récompenses pour qu’on ait envie de retourner à chaque fois au combat, mais pénalise aussi assez la mort des chasseurs pour que la pression reste permanente. Les rangs des chasseurs vont jusqu’à 50, vous pouvez avoir jusqu’à 7 chasseurs en même temps (il faut les recruter par le biais d’un menu dédié), il y en a toujours un gratuit à chaque réinitialisation, et même les plus intéressants sont assez bon marché, du moins avant d’arriver aux tiers II et III où ils commencent à coûter plus cher.

Hunt Showdown gameplay brûlure
Hunt Showdown gameplay brûlure

Hunt: Showdown, La Bourse Ou La Vie

L’argent gagné lors des passages de niveau, missions réussies et joueurs pillés vous donnera accès à ce fameux recrutement, mais aussi à de l’inventaire, à réorganiser sur chaque nouveau chasseur, sachant que les chasseurs recrutés viennent avec des armes à eux, parfois bien au dessus de votre niveau, mais que vous pouvez du coup quand même utiliser. Mais attention, les armes, outils, et consommables emportées sur le champ de bataille seront eux aussi perdus en cas de mort de votre chasseur, il faut donc réfléchir avant d’embarquer tout son stock de cocktails molotov, et envisager le fait que vous n’aurez peut-être même pas le temps d’en lancer un seul avant de vous faire broyer le crâne par un sac à viande au détour d’une ferme bio ou peut-être tenterez-vous d’en lancer un sur un immolateur, un type de zombie, cousin de Ghost Rider, qui, comme son nom l’indique, s’immole pour le plaisir et pour qui un molotov dans la face équivaut plus ou moins à monter le chauffage central d’un degré.

Hunt Showdown gameplay explosion à la gatelin
Hunt Showdown gameplay explosion à la gatelin

Les armes à racheter régulièrement ne sont pas très honéreuses à condition de gérer ses stocks intelligemment. De plus, il est également possible, du coup, de récupérer les armes de joueurs tués sur le terrain et ainsi de faire joujou avec des pétoires bien au dessus de ce que notre niveau actuel autorise à acheter. C’est une façon assez satisfaisante de découvrir l’arsenal et cela permet de pousser les joueurs à vouloir mettre une balle dans le crâne de leur prochain pour des raisons un peu plus profondes qu’un simple « et ben il était là ». Quand vous entendez des détonations classiques provenir d’un bâtiment, vous pourrez décider d’aller un peu plus loin le temps que ça se calme, mais quand les coups de feu ne ressemblent à rien de ce que vous possédez, dur de résister à la tentation d’aller jeter un œil (et une grenade) à travers la fenêtre… Il existe aussi des points d’amélioration que vos chasseurs obtiendront en passant des niveaux, leur octroyant le droit à des « traits », sortes d’avantages de visée, de déplacement, d’endurance ou de santé. Une autre monnaie est utilisable pour acheter des skins légendaires, devise que vous pouvez vous procurer avec du vrai argent, comme c’est maintenant une (mauvaise) habitude chez les jeux AA multijoueurs. Les éléments achetables avec cette monnaie restent purement cosmétiques (et heureusement).

Hunt Showdown gameplay arme rechargement
Hunt Showdown gameplay arme rechargement

Hunt: Showdown, Sortie de Crysis

Malgré les évidentes qualités liées aux mécaniques du jeu, on ne peut s’empêcher de froncer le sourcil face à quelques déceptions dont certaines sont parfois assez injustifiables.

Graphiquement, le jeu n’est pas ultra bien optimisé, pour le dire poliment. Il n’est pas rare que des textures poppent très tardivement sur les décors et la physique de certains ennemis est souvent questionnable (voir les zombies se lever puis se recoucher pour finalement réapparaître debout, même si elle n’est pas sans rappeler certains réveils difficiles du lundi matin à tout le monde, n’est pas vraiment très agréable en jeu). Les temps de matchmaking très longs, la gêne pour ramasser un objet quand celui-ci est trop proche d’un autre, les ennemis qui surfent pour arriver vers vous, les persos qui traversent le sol, les crashes inopinés, le fait que les serveurs européens sont souvent en rade, tous ces petits désagréments mis bout-à-bout, même si tout ceci est assez facilement patchable, peuvent donner des gros coups de fatigue par moments. Mais le gros souci qui, là, est déjà plus embêtant, c’est le gameplay lui-même, le gunplay particulièrement.

Hunt Showdown gameplay
Hunt Showdown gameplay

Comment Crytek, le studio inventeur du CryEngine (sur lequel tourne d’ailleurs toujours Hunt: Showdown, forcément), qui acouchait de Far Cry et Crysis il y a une quinzaine d’années, peut-il nous offrir une expérience de tir aussi rigide, à la limite du paralytique ? Impossible de se mettre à couvert pour tirer, ce qui, dans un western, est quand même un comble; pas de possibilité de se coucher au sol ou de glisser sur les genoux après une course; des rechargements d’armes d’une longeur à se pendre (c’est bien simple, pour recharger un simple six coups, il vous faudra pas moins de 13 secondes).

Le passage de la souris à la manette est clairement mal négocié ici, et si les déboires financiers que Crytek a subi ces dernières années, forçant la fermeture de plusieurs annexes, n’y sont certainement pas complètement étrangers, ce relâchement n’est pas excusable pour autant. Les échanges de coups de feu manquent souvent cruellement d’impact, notamment dans les affrontements PVP qui se résument trop souvent à deux joueurs zigzagant tristement à gauche à droite jusqu’à ce que l’un d’eux ait une balle qui touche, ou que l’un décide de foncer vers l’autre avec une machette ou autre pour mettre fin à ce ballet désolant. Heureusement, les décors et les situations sont suffisamment variés pour que les confrontations entre joueurs bénéficient d’une fraîcheur facilement renouvelée, alternant entre de furieuses altercations éclair dans des lieux clos et des échanges de tirs à parfois plusieurs centaines de mètres de distance.

De même, une assistance de visée (au moins pour les ennemis PVE) un peu plus présente pourrait atténuer également les effets de lag et les problèmes d’optimisation. Jouer à un jeu dont l’exigence en précision est aussi intransigeante nécessite en retour d’avoir un jeu pleinement optimisé, ce qui n’est clairement pas le cas.

Ces approximations techniques, si elles s’oublient assez facilement face au génie de la mécanique générale du jeu, ne sont pas non plus négligeables et une refonte, même partielle, du système de tir ne serait pas superflue. En tant que descendant de Far Cry et Crysis, Hunt: Showdown mérite mieux sur ce domaine.

Hunt Showdown gameplay
Hunt Showdown gameplay

Hunt: Showdown, Royal Canon

Une autre mode vient étoffer un peu plus l’expérience. La partie rapide propose une approche nettement plus axée sur le battle royale où votre chasseur (ici toujours gratuit donc pas d’inquiétude à risquer l’un de vos précieux hommes ou femmes recrutés dans le mode principal), devra fermer des failles d’énergie sur les cartes, seul et seulement équipé d’une arme simple en début de partie. À vous ensuite de récolter armes, projectiles et soins et de survivre jusqu’à découvir la « source vitale » qu’il vous faudra drainer pour remporter la partie. Il va sans dire que dès qu’un joueur atteint la phase finale, sa position est indiquée à tous les autres et qu’ils ne le laisseront pas s’en tirer sans lui mettre quelques bâtons (de dynamite) dans les roues.

Plutôt plaisant et novateur, ce mode, qui ne dure pas plus d’un quart d’heure (contre une heure max sur le mode normal) et qui évite la sempiternelle réduction de zone dans son fonctionnement, nous offre une revisite plutôt rafraîchissante du genre. Les nuisances causées par les mobs en liberté sur la carte peuvent aboutir à des situations souvent inattendues, où ce ne sera pas forcément le mieux armé qui aura l’avantage.

Hunt: Showdown, I Stand Bayou

Si on laisse de côté les problèmes d’optimisation et les errances de gunplay, Hunt: Showdown offre une expérience de jeu à laquelle peu d’autres peuvent prétendre.
Quand vous apercevez au détour de la végétation un coucher de soleil aux reflets ocres et orangés à travers le feuillage d’un cyprès, quand vous vous surprenez à retenir votre respiration, au fond d’une cave humide, lors des dernières secondes d’un rituel, et que vous entendez des bruits de pas à l’extérieur, courir vers votre position, puis marcher, puis le vague craquement du plancher alors que vous fixez frénétiquement l’une des portes d’entrée, quand vous gambadez le long d’un sentier et qu’une balle vient siffler à quelques centimètres de votre oreille sans que vous parveniez à déterminer d’où elle venait, quand vous tournez à l’angle d’une guérite pour vous trouver nez à nez avec une masse de chair en mouvement qui se met à vous hurler au visage, quand vous vous glisser subrepticement dans le dos d’un joueur occupé à viser un zombie qu’il a repéré au loin sans se douter que la lame de votre couteau est maintenant à portée de sa gorge, dans ces moments-là, oui, vous êtes profondément heureux de jouer à Hunt: Showdown, et ce ne sont pas quelques textures hasardeuses qui vous gâcheront votre plaisir.

Hunt: Showdown est disponible sur PS4 et Xbox One